Nos menaces à venir, les luttes internes iraniennes, une Corée unie, le siège militaire

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Après une longue absence, Géopol revient pour parler d’autre chose que du COVID-19, qui est amplement traité dans tous les médias à notre disposition. Il sera donc plus intéressant pour nous de parler des autres menaces globales qui peuvent nous attendre à court, moyen et long-termes, des luttes de pouvoir au sein du régime iranien, et de finir avec une vidéo sur les conséquences d’une réunification des deux Corées, et d’une autre sur l’histoire des sièges (la tactique militaire, pas le strapontin). Bonne lecture!
Notre futur et ses menaces
Comme le titre de cet article de Politico le suggère, l’émergence d’une pandémie globale était un phénomène attendu par les scientifiques, qui n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme ces dernières années. La prévention de cette crise a fait défaut, et notre résilience au niveau mondial est décevante. Mais si cette crise était prévisible, quelles autres menaces peut-on déjà cerner aujourd’hui? 

L’article mentionné plus haut dresse une longue liste, non-exhaustive évidemment, puisque les inconnues restent de mise concernant ces questions. On note bien sûr les catastrophes naturelles, des séismes à la désormais inévitable catastrophe du changement climatique, mais on note aussi de nombreux éléments qui touchent à la géopolitique. Bien sûr, le terrorisme reste une menace persistante aujourd’hui. Mais, comme on l’évoquait ici, les services de renseignement commencent (ou du moins devraient commencer) à s’inquiéter plus des mouvements suprématistes blancs que de l’islam radical en déclin. Les groupes ultranationalistes sont de plus en plus connectés internationalement, et les appels à la violence armée fleurissent. Paradoxalement, c’est en reprenant des méthodes propres aux groupes terroristes islamistes qui se sont développés depuis les années 1990 que les groupes d’ultra-droite arrivent à prendre de plus en plus de place dans la scène terroriste mondiale. Un 11 septembre néo-nazi reste une potentialité.

Un autre élément à noter est le risque de cyberattaques dévastatrices, voire de “cyberguerre”. La dépendance accrue aux systèmes de télécommunication modernes, des hôpitaux à l’armée, rend vulnérables de nombreuses puissances qui ne pourront pas nécessairement contrer une attaque d’ampleur. Les techniques de cyberattaques se développant rapidement, et leur perpétrateurs étant difficiles à localiser (qu’ils roulent pour un gouvernement ou pour un groupe non-étatique), la mise en place de cyber-défenses efficaces peut laisser à désirer. Une grosse attaque pourrait faire des dégâts inimaginables sur un pays.

Sur le long-terme, bien que la menace soit diffuse dans nos esprits à cause de sa longue persistance, le risque d’une attaque voire d’une guerre nucléaire reste à envisager. Plusieurs scénarios sont toujours possibles aujourd’hui, de l’accident qui rendrait caduque toute la doctrine de dissuasion au baroud d’honneur d’un pays nucéarisé tel la Corée du Nord. Tant que les armes nucléaires existent et qu’elles sont à disposition des États, leur utilisation est une possibilité. Alors que la fin de la guerre froide voyait les États-Unis et la Russie diminuer leurs stocks, la tendance s’est inversée sous l’Administration Trump, qui a ré-engagé une dangereuse course à l’armement nucléaire.

Toutes ces histoires à nous maintenir éveillés la nuit posent la question de la prévention de ces menaces. Comme pour le COVID-19, la préparation pour faire face à ces crises laisse souvent à désirer, au grand dam des spécialistes. Un exemple intéressant dans l’article rappelle que l’agence de l’ONU qui surveille la mise en application de la prohibition des armes biologiques était doté d’un budget annuel de seulement un million de dollars et de… trois employés. Comment prévenir la réémergence de catastrophes humanitaires lorsque les institutions internationales n’ont pas les fonds nécessaires pour faire leur travail de garde-fous? Compter sur la bonne foi des États est une triste illusion.

L’Iran, son ayatollah et ses rebelles
L’oeil occidental dépeint, à juste titre, l’Iran comme une dictature théocratique piétinant le droit des femmes, la liberté de la presse, et de nombreux autres droits fondamentaux. Mais une telle vision nous fait souvent oublier que le régime n’est pas si monolithique qu’on pourrait le penser, et que les jeux de pouvoir sont une constante dans l’État perse. The New Yorker nous propose un long article revenant sur l’accès au pouvoir de l’actuel ayatollah, Ali Khamenei, placé à ce poste vraisemblablement pour être utilisé par d’autres forces politiques, mais qui a su consolider son pouvoir. En parallèle, le Corps des Gardiens de la Révolution a réussi à devenir un État dans l’État, avec une mainmise sur une grande partie de l’économie, des institutions, et, évidemment, des forces armées. Bien que le régime étouffe la liberté d’opinion, l’Iran reste un régime parlementaire, et les élections ont un rôle assez important dans cette lutte de pouvoir entre conservateurs et progressistes, et entre clercs et corps armés. Maintenant que l’ayatollah a 80 ans, souffrant d’une santé fragile, la question de sa succession se pose nécessairement. Les luttes entre les différentes factions du régime sont de plus en plus vives alors qu’il s’agit de mettre la main sur le pouvoir post-Khamenei. Si la confusion règne à la mort de l’ayatollah, les dissensions risquent de se montrer plus sanglantes qu’actuellement.

Bien sûr, l’Iran n’est pas que le fait des jeux politiques au sein de la classe dirigeante, et la population civile se retrouve entre deux feux, coincés dans une autocratie que beaucoup désavouent. Alors qu’une classe moyenne émerge, que les jeunes de Téhéran se cultivent, la rébellion s’installe, défiant ouvertement le pouvoir. La voix des défenseuses de la cause féminine se fait de plus en plus entendre, remportant de maigres victoires. La presse délivre des messages parfois en opposition avec la version du gouvernement. Et, plus impressionnant, des manifestations bourgeonnent à travers le pays, à différentes occasions, chaque fois déclenchées par un énième abus du pouvoir en place. Alors que la crise du COVID-19 affecte particulièrement l’Iran, suite à une gestion désastreuse du problème par les autorités, la colère gronde à nouveau. L’élection présidentielle américaine de novembre jouera un rôle crucial dans l’avenir du pays, alors que l’inimitié entre les deux pays fait partie du récit national iranien, et que les derniers accrochages ont laissé un goût amer dans la mémoire des conservateurs de la République Islamique. Que le régime change ou se maintienne, l’Iran est un élément majeur de la géopolitique du Moyen-Orient, région dévastée par plusieurs décennies de politiques guerrières.

[VIDEO] Une réunification des Corées
Ce n’est un secret pour personne, les deux pays nommés “Corée” (du Sud, du Nord) ne s’entendent pas à merveille. La péninsule est divisée depuis la guerre de 1950, et les deux régimes semblent irréconciliables. Pourtant, ces deux dernières années, on a pu apercevoir des petits actes de réchauffement entre les deux pays: de plus nombreuses visites de familles séparées par la frontière, des rencontres entre  les dirigeants, et même une délégation commune aux JO, avec un drapeau évoquant une Corée unifiée. Il est alors intéressant de se demander, comme le fait RealLifeLore, ce qu’il se passerait si l’on assistait à une réunification coréenne.

Les économies des deux pays sont radicalement différentes, le Nord étant classé dans les pays les plus pauvres du monde, alors que le Sud défend une économie libérale de pointe. La fin de la frontière les séparant pourrait voir l’afflux massif d’ouvriers non-qualifiés du Nord vers le Sud, avec une assimilation difficile au nouveau régime libéral suite à une vie d’endoctrinement. Pour autant, le Nord peut aussi offrir des ressources naturelles importantes, notamment du charbon, de l’uranium et de nombreux autres produits de la mine. Si l’unification économique est réussie, une Corée unie pourrait se propulser dans le top 10 des plus grandes économies mondiales.

La question militaire est évidemment une question sensible. La Corée du Nord, régime militariste par excellence, est fondé autour d’une puissance militaire impressionnante en termes d’arsenal, mais également au niveau institutionnel, les autorités publiques étant très liées à l’armée. Que deviendrait la hiérarchie militaire? Tous les colonels tenant un grand pouvoir actuellement accepteraient-ils de perdre leurs privilèges dans le nouveau régime? Se pose aussi la question des armes non-conventionnelles, la Corée du Nord possédant environ 60 ogives nucléaires et 5000 tonnes d’armement chimique. Comme on l’a évoqué dans cette newsletter à plusieurs reprises, si le chaos s’installe en Corée du Nord, il y a un risque de fuite des scientifiques et de leur matériel vers le plus offrant, qui peut très bien être un État peu scrupuleux, ou groupe terroriste.

Bien sûr, dans le cas où le projet de réunification se ferait connaître, les grandes puissances mondiales et régionales vont avoir un intérêt immense à défendre leurs intérêts. Une Corée pro-américaine serait le cauchemar de la Chine, qui verrait des troupes pro-occidentales déployées à ses portes. À l’inverse, une Corée trop conciliante avec la Chine pourrait rendre furieux les États-Unis, très présents dans le Japon voisin. Le seul chemin raisonnable serait, semble-t-il, une réunification progressive des deux États, en prenant en compte le jeu des grandes puissances, mais en maintenant un haut degré d’indépendance en fin de course. 

[VIDEO] Les sièges et leur histoire
Depuis que l’humanité se sédentarise, les groupements de population accumulent leurs richesses à des endroits très localisés, ce qui attire la convoitise de leurs adversaires. Chacun tente de protéger ses biens avec des fortifications de plus en plus abouties. Mais, en face, l’art du siège se développe pour outrepasser ces barrières pensées pour être infranchissables. Questions d’Histoire revient sur la longue évolution des tactiques de siège, depuis les premiers assauts de l’Antiquité à des exemples plus modernes, où à la fois les fortifications et les méthodes des assiégeurs se sont vastement améliorés.

Car si l’on associe le siège militaire au Moyen-Âge, où la stratégie militaire était pensée principalement autour de ce type de bataille d’attrition, on trouve toujours des exemples de sièges dans notre monde contemporain. Le siège de Stalingrad, durant cinq mois de rude hiver russe, a marqué les esprits de par les conséquences humaines dramatiques qu’il a engendré. Mais encore plus récemment, le triste siège de Sarajevo de presque quatre ans a marqué les années 1990. Les guerres toujours en cours au Moyen-Orient ont également vu leur lot de sièges mis en place par différentes armées. On peut citer le siège de Mossoul, où l’armée française a assisté les forces militaires irakiennes pour reprendre la ville des mains de l’État Islamique. La situation actuelle à Tripoli en Libye se rapproche d’un siège, mais les forces du Général Haftar n’ont pas réussi leur percée qui aurait permis de couper les voies de communication terrestres à leurs ennemis du gouvernement reconnu dans la capitale libyenne.

La perspective historique est intéressante pour se rendre compte de la persistance d’une tactique de guerre. Bien qu’elle évolue dans ses formes, beaucoup d’éléments restent inchangés: le but d’attrition, les manoeuvres et ruses pour achever l’ennemi, les mouvements de population fuyant le siège ou la conclusion du siège, et les longues durées de ces attaques. Aujourd’hui la Convention de Genève protège les civils des pires sévices dont ils ont pu être les victimes dans le passé, de la famine à l’attaque bactériologique, mais l’état de siège reste un acte aux conséquences humanitaires dévastatrices.

Pour aller plus loin, Wikipedia propose une longue liste de sièges ayant eu lieu dans l’Histoire.

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