Les djihadistes et les suprématistes, les djihadistes et le dialogue, la crise dans le détroit d’Ormuz

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Les traditionnelles news du Kosovo, où des élections anticipées sont prévues le 6 octobre pour remplacer le gouvernement de Ramush Haradinaj, qui a récemment démissioné pour se rendre au Tribunal Spécial de La Haye (comme on l’évoquait la dernière fois). L’incertitude règne, puisque le système parlementaire du pays favorise la création de coalitions se partageant le pouvoir, et le parti en tête n’est pas assuré d’avoir un gouvernement s’il ne fait pas de concessions à ses alliés. Le parti nationaliste de gauche Vetëvendosie (“auto-détermination”) est en tête des sondages, mais il aurait besoin d’une alliance avec le LDK (parti historique des partisans d’une solution pacifique pour l’indépendance dans les années 1990). Problème: tous deux semblent vouloir le poste de Premier Ministre pour leur propre parti, bloquant toute formation de coalition et laissant la porte ouverte à un nouveau mandat de l’alliance de petits partis de droite (régulèrement accusés de corruption, népotisme et implications dans des crimes de guerre) actuellement au pouvoir.

Aujourd’hui, on ne parlera pas des risques de guerre civile au sein même de la guerre civile au Yémen. Le conflit qui ravage ce pays arabe depuis des années oppose des milices pro-iraniennes à une coalition de pays menés par l’Arabie Saoudite voisine. Or, de récents événements ont montré la fragilité de cette alliance de circonstances. Des échanges de feu ont eu lieu entre les forces loyalistes au président yéménite Abed Rabbo Mansour Hadi (reconnu par l’Arabie Saoudite et la communauté internationale) et des groupes sécessionistes proches des Émirats Arabes Unis. Ces différents groupes, ainsi que ces deux pays, font partie de la coalition anti-houthis, mais ils ne semblent pas avoir les mêmes objectifs. Les Émirats Arabes Unis souhaitent renforcer leur influence dans le sud de la péninsule arabique, jusqu’à se rapprocher de groupes indépendantistes qui ternissent les plans saoudiens d’unité yéménite derrière le président Hadi. Un conflit au sein du conflit renforcerait l’ampleur de la crise humanitaire, déjà plus que dramatique.

On ne parlera pas non plus de la situation à Hong Kong, où le mouvement de protestation continue malgré la rentrée, cinq mois après les premières manifestations condamnant le projet de loi d’extradition chinoise. Les manifestants ont encore une fois bloqué l’aéroport (un des plus gros hubs internationaux) et les étudiants ont entamé une grève dès le premier jour de classe. La Chine menace toujours, à mi-mots, d’intervenir militairement, au risque d’une intense crise politique et humanitaire.

En revanche aujourd’hui on va parler des similarités entre le terrorisme djihadiste et le terrorisme suprémaciste qui se développe en Occident, et on va s’interroger s’il est pertinent d’entamer le dialogue avec les groupes djihadistes au Mali. On finira avec une vidéo sur le détroit d’Ormuz, au coeur d’une crise internationale brûlante. Bonne lecture!

Terroristes suprémacistes et terroristes islamistes
De nouvelles tueries de masse ont secoué les États-Unis récemment. Alors que ce genre d’événements devient presque une habitude, les médias ont toujours du mal à qualifier correctement le phénomène: ces drames sont des actes de terrorisme. Et il faut même aller plus loin dans la réflexion. Cette nouvelle vague de terrorisme issu du mouvement suprématiste blanc présente de grandes similarités avec le terrorisme que l’on commence à bien connaître: le terrorisme djihadiste.

Les buts affichés sont les mêmes, ceux de créer un sentiment de peur afin de destabiliser la société à leur avantage (pour recruter de nouveaux éléments, pour confirmer leur théorie de choc des civilisations, etc.) Mais au-delà, ce sont les méthodes et les images qui sont les mêmes. Djihadistes et suprématistes blancs se radicalisent sur des communautés virtuelles en évoquant des modes de vie “purs”, avec une grande importance du culte du corps et de la virilité, pour justifier leur militantisme. L’utilisation de vidéos spectaculaires des attentats se répand chez les tueurs suprémacistes, imitant les traditionnelles vidéos de décapitation aujourd’hui bien connues. Alors que les djihadistes célèbrent des figures violentes comme Oussama Ben Laden, les suprématistes vénèrent les récents terroristes comme Anders Behring Breivik. Sur les plateformes anonymysées, les néo-fascistes s’envoient de la documentation sensible, entre textes racistes censurés et guides de fabrication d’armes et de bombes, un partage d’information que pratique notamment Al Qaeda sur l’internet de surface et sur le “deep web”. Comme tout groupe terroriste organisé, les suprématistes proposent des camps d’entraînement clandestins, rendus plus facilement possibles aux États-Unis avec la législation en vigueur sur les armes à feu et la possible formation de milices. Mais même sans ces camps, le conflit à l’est de l’Ukraine, toujours en cours, attire des militants d’extrême-droite du monde entier, venus s’entraîner au maniement des armes d’un côté ou de l’autre de la ligne de front. Plusieurs suprématistes blancs américains impliqués dans des violences récentes ont voyagé dans cette région auparavant. Ce n’est pas sans rappeler les conflits du monde musulman ayant cimenté le terrorisme islamiste global depuis les années 1980 (invasion soviétique de l’Afghanistan, guerres du Golfe, guerre de Bosnie, etc.)

Le mouvement suprématiste blanc ne semble pas encore assez centralisé pour réellement laisser penser à une menace organisée comme le sont Al Qaeda et l’État Islamique. Pour autant, l’évolution du mouvement laisse penser à ce qu’a été, en son temps, la naissance des réseaux djihadistes mondiaux. Les services de renseignement, notamment américains, ont alloué une énorme part de leurs ressources à la lutte contre l’islamisme violent. Il serait opportun de concentrer une plus importante partie des efforts sur la menace grandissante du suprématisme violent.

Pour aller plus loin

Le Mali, les djihadistes et le dialogue
On a une idée assez arrêtée de comment lutter contre une insurrection islamiste: on se défend militairement. Mais que faire quand la riposte armée ne fonctionne pas? Comment gérer les troubles qui apparaissent dans les régions contrôlées par les groupes extrémistes? The Crisis Group ose poser la question: doit-on parler aux djihadistes?

Depuis 2012, le Mali est en proie à l’insurrection. Initiée d’abord principalement par des groupes Touaregs indépendantistes, des mouvances djihadistes saisissent l’opportunité pour se soulever également, agissant comme des sortes de partenaires. Mais les groupes djihadistes ayant gagné en puissance, ils purent se permettre de se débarrasser des rebelles Touaregs pour exercer un contrôle plus ferme sur les régions du nord. L’intervention militaire française a permis au gouvernement malien de regagner beaucoup de terrain, mais des zones restent sous contrôle de groupes djihadistes, qui se sont unis en 2017 au sein d’une même coallition ayant prêté allégeance à Al Qaeda.

En 2017, une “Conférence d’entente nationale” s’est tenue dans le pays, réunissant des représentants de tout le pays, y compris des membres de la communauté Touareg, afin de chercher des solutions pour une meilleure cohésion nationale et une paix durable. Le rapport final était retentissant: les participants ont conclu qu’il était nécessaire de négocier avec les groupes djihadistes, d’entamer un dialogue. Le gouvernement malien a refusé ces conclusions, privilégiant la méthode forte employée jusqu’ici avec l’aide de la France (elle aussi opposée à l’initiation de pourparlers). Les djihadistes sont également opposés à des négociations, arguant que “Dieu ne se négocie pas”. 

La situation est intéressante: une bonne partie de la société civile souhaite des discussions avec les djihadistes, étant prêts à tout pour appaiser les tensions et réduire les dégâts des interventions armées. On note effectivement que les combats ont surtout enclenché des violences intercommunautaires dans les zones affectées par le conflit, des violences locales bien plus meurtrières que les attaques entre militants et forces gouvernementales. Selon les défenseurs du dialogue, discuter autour d’une table pourrait réduire le nombre de victimes et stabiliser les zones actuellement en guerre. The Crisis Group souligne que des négociations existent déjà au niveau local, certaines organisations et certains représentants de communautés discutant avec les djihadistes pour défendre certains service publics, ou pour assurer un accès à l’aide humanitaire. De telles discussions prouvent que les militants islamistes peuvent être pragmatiques, et que des négociations peuvent être tenues au niveau national également. Mais à quel prix? Quels compromis pourraient être acceptés? Quel message cela enverrait aux autres groupes djihadistes de la région? Une question sensible et très complexe.

[VIDEO] Le détroit d’Ormuz et ses enjeux
Les tensions entre les États-Unis et l’Iran ont dramatiquement augmenté ces derniers temps. Les principaux incidents qui accompagnent et mènent la crise sont principalement de la même nature: des attaques de pétroliers dans le détroit d’Ormuz. Vox revient en vidéo sur l’histoire récente de ce bras de mer, et sur les raisons de ses enjeux fondamentals dans les relations internationales et le commerce mondial.

Le détroit, coincé entre l’Iran et les pays du Golfe, voit passer 20% du transport global de pétrole, une immense partie de la production mondiale se situant dans le Moyen-Orient. Après la Révolution Islamique iranienne de 1979, l’Iran se retrouve ennemi de l’Occident, et particulièrement de son leader les États-Unis. Alors que la guerre Iran-Irak des années 1980 s’enlise, les forces iraniennes décident de miner le détroit d’Ormuz, paralysant le flot de pétrole à destination des pays occidentaux, et notamment des États-Unis. L’Iran se rend rapidement compte de l’importance stratégique du détroit, une action militaire pouvant avoir des répercussions globales. Quand les États-Unis émettront des sanctions contre l’Iran dans les années 2000, la première menace de riposte fut de fermer le détroit à toute circulation. Le détroit d’Ormuz est toujours aujourd’hui central dans les stratégies de ripostes de l’Iran lorsque le pays se trouve en situation de conflit avec des puissances occidentales. 

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