Crise au Kosovo, crise en Ukraine, crise à Londres… Quelles crises en 2019?

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On commence, comme à l’accoutumée, par des nouvelles du Kosovo. Pour la quatrième fois consécutive, la candidature du Kosovo pour devenir membre d’Interpol a été rejetée par les autres États-membres. Le Kosovo accuse la Serbie d’avoir fait un intense lobbying pour faire rejeter cette candidature, pratique qui irait contre les accords de bonne entente que les deux pays ont signé dans le cadre de leur volonté d’intégration européenne. Pristina a donc imposé une taxe de 10% sur tous les produits en provenance de Serbie. Quelques jours plus tard, la taxe est augmentée à 100%. Les Serbes vivant au nord du Kosovo s’en insurgent, la plupart de leurs produits alimentaires et médicaux provenant du pays voisin. Dans les jours qui ont suivi, la police d’élite du Kosovo est entrée dans le nord de la ville de Mitrovica, territoire à majorité serbe administré par un parti proche de Belgrade, pour arrêter plusieurs hautes figures dans une affaire d’assassinat politique ayant eu lieu en février 2018. Vendredi dernier, le Parlement du Kosovo a voté en faveur de la création de sa propre armée, après le feu vert des États-Unis, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, mais à contre les critiques de l’UE, l’OTAN et la Serbie. C’est un cas intéressant d’escalade des tensions, les parties utilisant à la fois des moyens économiques, politiques et militaires. La machine à propagande tourne à plein régime des deux côtés. Des journalistes un peu plus neutres se demandent si toute cette escalade n’est pas une manière de rendre plus acceptable un échange de territoire, projet dont on parlait ici.

Aujourd’hui, on ne parlera pas de la récente décision de l’Australie de reconnaître Jérusalem Ouest comme capitale d’Israël. Canberra a suivi les pas de Washington, qui a émis la même décision il y a un an. Le gouvernement autralien cherche manifestement un rapprochement avec le gouvernement Trump, ainsi que séduire un électorat conservateur. L’Australie va sûrement se mettre à dos son voisin indonésien, le premier pays musulman en termes de population.

On ne parlera pas non plus de nos gilets jaunes, qui n’ont pas une très grande portée géopolitique. Mais il est important d’évoquer que la très basse popularité d’Emmanuel Macron joue aussi en sa défaveur pour la politique internationale, notamment pour son influence au sein de l’UE. Si le modèle Macron ne fonctionne pas, le gouvernement n’aura pas beaucoup de légitimité à interférer sur les affaires de ses voisin. Alors que des manifestants se mettent à enfiler un gilet jaune en Belgique et même en Irak, on peut noter aussi que des manifestations de grande ampleur ont lieu dans les Balkans: à Tirana (Albanie) contre la hausse des frais d’inscription à l’université, à Belgrade contre l’autoritarisme du président serbe, et à Budapest (Hongrie) contre une “loi esclavage” qui prévoit la possibilité pour l’employeur de requérir des heures supplémentaires obligatoires jusqu’à 400 heures par an. Les peuples européens semblent excédés par des mesures rappelant toujours les politiques d’austérité, dans des régimes toujours plus autoritaires.

Aujourd’hui on va plutôt parler de la crise qui a eu lieu entre l’Ukraine et la Russie en mer d’Azov, des nouvelles avancées ou reculades du Brexit, et du pire scénario pour 2019. On finira par une vidéo sur la longue relation militaire entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis. Bonne lecture!

La Russie, l’Ukraine et la flotte militaire

Dimanche 25 Novembre 2018 s’est démarrée une crise internationale plutôt intense lorsque la flotte contrôlant les frontières russes a intercepté et capturé trois navires militaires ukrainiens qui comptaient passer de la Mer Noire à la Mer d’Azov, en empruntant le détroit de Kerch, situé entre la Crimée et la Russie continentale. Des échanges de tirs ont lieu, des soldats ukrainiens sont blessés. Le gouvernement ukrainien, en difficulté sur le plan de la politique intérieure, a rapidement instauré la loi martiale dans tout l’Est du pays. Certains accusent le président d’avoir pris cette décision pour empêcher toute élection, qu’il a de fortes chances de perdre, d’autres saluent la volonté de riposter face à une telle violation de la souveraineté ukrainienne. Le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est réuni en urgence, mais ne prendra vraisemblement pas de décisions tranchées, la Russie y ayant le droit de véto.

La situation est plus facile à comprendre avec une carte, et j’en fournis donc une sous cet article. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les positions russes sur la Mer Noire et la Mer d’Azov se voient renforcées, laissant une maigre place aux autorités ukrainiennes pour contrôler les côtes de cette dernière mer (d’autant plus au vu des troubles séparatistes dans la région du Dombass à l’Est, où Kiev n’y a plus un véritable contrôle). Pour autant le régime ukrainien dispose bien de ports d’importance sur la Mer d’Azov, notamment Marioupol, lieu crucial dans la guerre civile toujours en cours dans le pays. La manoeuvre du week end de l’incident consistait donc à transférer trois navires depuis le port d’Odessa à celui de Marioupol. Or les forces russes ont bloqué le détroit de Kerch, seul passage pour pénétrer la Mer d’Azov, arguant que cette mer représente désormais des eaux territoriales russes, ce qui interdit donc le passage de navires sans l’accord de Moscou. Une telle position viole un accord ukraino-russe de 2003 assurant la libre circulation dans cette région, accord sur lequel se reposaient les trois navires ukrainiens pour tenter le passage. 

L’incident peut être perçu comme un acte de guerre des deux côtés du conflit. La mise en place de la loi martiale dans l’Est ukrainien est une manoeuvre assez offensive de la part du gouvernement Porochenko. Une poursuite de l’escalade est tout à fait possible…

Carte de la mer d’Azov, avec le détroit de Kerch au Sud, la Crimée annexée par la Russie à l’Ouest, la Russie continentale à l’Est, et l’Ukraine en proie aux troubles séparatistes au Nord.

Le Royaume-Uni, May et mars

On s’attendait à ce que le Brexit soit tout une affaire, mais il semble qu’on vire au feuilleton catastrophe. Après de très longues négociations entre l’Administration de Theresa May et l’Union Européenne, compliquées notamment par la question de la frontière irlandaise, la Première Ministre est revenue à Londres pour fièrement présenter son accord, et le soumettre au vote du Parlement. Or il a été conclu que les représentants auraient voté contre l’adoption de l’accord. Les Brexiteurs “durs” considèrent en effet que cette sortie est trop douce, maintenant beaucoup de liens avec l’UE, et les adeptes de l’Union pensent qu’ils peuvent encore faire pression pour un abandon du projet de sortie dans son ensemble. Face à cette déconvenue, May a annoncé annuler le vote, et retourner à Bruxelles renégocier. En réalité, May a simplement voulu jouer la montre, puisque Bruxelles a bien annoncé ne pas souhaiter renégocier un accord qui a été considéré final. Dans le même temps, un vote de confiance s’est déroulé au Parlement, qui aurait pu renverser Theresa May. Or, ayant obtenu assez de voix de la part de son camp, pas encore prêt à imploser, elle se maintient en poste.

Le futur du Brexit est très incertain. L’absence d’accord offrirait un Brexit “dur”, coupant tous liens avec l’UE, obligations mais aussi privilèges. C’est une solution souhaitée par un certain nombre de représentants de la majorité, mais pas de May elle-même, qui veut trouver un compromis. Pour cela, elle pourrait faire pression sur ces “hard-liners” en promettant un second référendum sur la question de la sortie de l’UE, qui vraisemblablement donnerait aujourd’hui un tout autre résultat, en faveur d’un maintien du Royaume-Uni dans l’UE. L’échéance pour la remise d’un texte de sortie est datée au 29 mars 2019. Si aucun accord n’est trouvé d’ici là, on se tournera vers une sortie “dure”. Les citoyens britanniques semblent déjà s’en mordre les doigts.
 

2019 et le pire scénario 
Bloomberg se livre à un exercice intéressant: imaginer un des pires scénarios imaginables pour l’année qui arrive. Sans surprise, le coeur des problèmes à venir sont de nature écologique, notamment un El Niño un peu trop puissant qui assèche une grande partie du monde. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est les conséquences envisagées qui sont de nature politiques.

Dans ce scénario, El Niño rendrait la production de céréales, et notamment de farine, serait rendue compliquée pour une grande partie du globe. Or cela provoquerait aussi des pluies plus intenses en Amérique du Nord et dans l’Ouest de la Russie. L’article suppose donc des réactions cohérentes avec notre environnement géopolitique actuel: Trump ferait valoir sa politique du ‘America First’, privilégiant son peuple et freinant les exportations, et la Russie choisit une solution similaire en rappatriant sa production uniquement dans son territoire, tout en intensifiant la guerre dans l’est de l’Ukraine, son principal rival agricole dans la région.

Dans le reste du monde, le prix du pain, et par effet domino de nombreuses autres denrées alimentaires, flambe rapidement. La famine menace de plus en plus de populations, et les flux migratoires s’intensifient: les peuples insulaires d’Asie du Sud-Est se mettent à monter au nord, vers le continent asiatique, et les populations d’Afrique et du Moyen-Orient tentent leur chance vers l’Europe, qui ferme plus strictement ses frontières extérieures. Le nationalisme est en hausse dans tout le continent, et s’est assuré une grosse minorité aux élections européennes de mai 2019 (c’est bientôt pensez-y). Face à ce qui apparaît comme un désastre, le Canada de Justin Trudeau envoie des cargaisons de vivres aux pays en détresse. Le Premier Ministre est pressenti pour obtenir le Prix Nobel de la Paix, et s’assure une réélection. 

Au delà de l’exercice de style, l’article est intéressant pour montrer l’environnement politique du monde actuel, marqué par un fort et rapide retour des logiques protectionnistes dans les grandes puissances, doublée d’une attitude assez agressive économiquement et même militairement. Il met en lumière également à quel point un événement environnemental peut avoir un impact humain, et donc politique, très important. Finalement, il montre l’inévitabilité de l’augmentation des flux migratoires dû au réchauffement climatique global, et de la bêtise des logiques nationalistes.

[VIDEO] L’Arabie Saoudite, les États-Unis et les armes

On entend beaucoup parler de la guerre au Yémen récemment, et notamment de potentielle paix à l’horizon. Depuis 2015. une guerre civile d’ampleur meurtrit le pays, provoquant une des pires crises humanitaires du siècle. Vox revient sur la relation entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite, un des deux principaux belligérants de cette guerre, et se demande pourquoi l’Arabie Saoudite se retrouve avec tant d’armes américaines

Les États-Unis et l’Arabie Saoudite deviennent proches alliés au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avec la signature du Pacte de Quincy qui dispose que les États-Unis protègent militairement le jeune pays dirigé par la dynastie Saoud en échange d’un partenariat privilégié concernant la vente de pétrole. Une politique toujours en place aujourd’hui, malgré l’attitude agressive et peu regardante des droits de l’Homme de la part du royaume islamique.La vidéo retrace l’Histoire de cette relation, en passant par les troubles de la guerre israélo-arabe de 1967, la création de l’OPEP comme moyen de pression anti-occidental, l’augmentation des ventes d’armes au Moyen-Orient.

Vendre des armes a une force diplomatique non négligeable. Ce n’est pas juste un petit contrat de vente, cela implique un soutien implicite au régime (on ne vend pas des armes à des ennemis) et inclut une certaine dépendance (pour un éventuel nouvel achat, mais aussi pour la maintenance et le savoir-faire concernant les technologies avancées). Une relation durable avec l’Arabie Saoudite a permis à ce pays de se doter d’un arsenal conséquent. Or depuis plusieurs années, le régime saoudien voit l’Iran prendre du terrain dans le voisinnage, notamment en participant indirectement aux guerres en Irak, en Syrie, et en finançant des groupes paramilitaires au Liban, formant un “arc chiite” menaçant pour les Saoud. L’Arabie Saoudite s’est trouvé une raison pour utiliser son arsenal, agressivement, et le Yémen en est actuellement la principale victime.

Au Canada un professeur et certains de ses élèves portent plainte contre leur gouvernement pour empêcher une livraison de véhicules blindés à l’Arabie Saoudite. Il se trouve que c’était mon professeur, et que j’ai brièvement fait partie du projet. Je vous invite à suivre la page Facebook de l’Opération Droits Blindés, et de souhaiter de tout votre coeur que l’opération soit un succès.

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