Les frappes en Syrie, les chiffres en Syrie, le mystère de La Havane et un kidnapping pas anodin en Équateur

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Comme prévu, et comme on l’évoquait dans le dernier billet, des attaques coordonnées entre les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont frappé des positions syriennes récemment. On revient évidemment sur cet événement, potentiellement lourd de conséquences. On reviendra sur un autre problème syrien: l’absence de chiffres précis. On poursuit avec un gros mystère dans l’embrassade cubaine, puis avec un kidnapping en Équateur qui reflète la complexité politique du pays. On finira avec une vidéo assez originale sur l’impact d’une frontière sur la biodiversité. Bonne lecture!

La Syrie et la riposte
Chose promise chose due, Washington, Paris et Londres ont mené conjointement une opération de tirs de missiles sur des positions syriennes. Les trois nations affirment avoir visé des bâtiments pouvant servir aux attaques chimiques du régimes syrien. Les attaques n’auraient pas fait de victimes, les lieux ayant été évacués préalablement. les trois pays se félicitent du succès de l’opération. De leur côté, la Russie et le régime al-Assad condamnent évidemment ces frappes, qui selon eux vont participer à l’escalade et la déstabilisation de la région, et nient toute responsabilité pour l’attaque chimique dont ils imputent la responsabilité… au Royaume-Uni (qui a mis en place des sanctions assez lourdes contre la Russie suite à l’affaire Skripal).La Maison Blanche a affirmé qu’aucune autre opération n’est prévue pour le moment.

En parallèle, la décision de ces attaques, par le triptyque États-Unis. France et Royaume-Uni, pose une question bien loin de la Syrie: la France est-elle en passe de remplacer le Royaume-Uni sur la scène diplomatique? Historiquement, les États-Unis se reposaient sur leur allié britannique pour influencer le reste de l’Europe concernant leur tenue des affaires étrangères. Or le Brexit vient réduire considérablement cette influence, Londres ne faisant plus vraiment partie du club, voire étant en relations compliquées avec l’UE, en pleines négociations pour sa sortie. Macron, dont Trump semble plus proche que de Merkel, apparaît comme un bon candidat pour prendre le leadership européen. 

La Syrie et ses morts
Le conflit syrien, qui occupe une place médiatique considérable encore aujourd’hui, a commencé il y a 7 ans, en 2011. Le New York Times explique qu’il est devenu impossible de tenir le compte des victimes du conflit, et que toutes les institutions qui se chargeaient de le faire ont simplement abandonné la vaine tâche. Le dernier rapport de l’ONU mentionnant un chiffre estimait, en 2016, le taux de 400 000 morts. Beaucoup s’est déroulé encore depuis. Les chiffres sont très durs à calculer à cause de la complexité de la guerre, du nombre d’acteurs et de lignes de fronts, et de l’impossibilité de placer, en sécurité, des observateurs pour couvrir l’ensemble du terrain. L’absence de ces données pose un problème pour l’avenir. Ce genre de chiffres est crucial dans les accords de paix, dans les transitions politiques, mais aussi dans le travail de mémoire nécessaire dans une société post-conflit. Par exemple, le chiffre astronomique du nombre de victimes du génocide rwandais (entre 800 000 et 1 million) cimente et fédère la société rwandaise jusqu’à aujourd’hui, encore traumatisée mais pleinement consciente du drame, et peut-être prête à tourner la page. L’inconnue concernant le drame syrien risque de peser sur la volonté des syriens de, un jour, recommencer à vivre ensemble. 

Cuba, les diplomates et le mystère sonique
Quelque chose de très étrange a lieu dans le milieu diplomatique à La Havane, à Cuba. Depuis fin 2016, vingt-quatre membres de l’ambassade américaine se plaignent de maux divers tels des nausées, des pertes d’audition et de mémoire. Aucun expert n’a pu cibler la source de ces problèmes de santé, trop répandus pour être une coïncidence, mais trop ciblés pour être une épidémie. Les spéculations vont bon train, et ce qui ressort le plus est la théorie suivante: Cuba ou un de ses alliés (par exemple une ancienne super-puissance de la guerre froide possédant une recherche militaire très avancée) aurait ciblé les quartiers diplomatiques américains avec une arme de type sonique. Cuba dément évidemment, cherchant à prouver sa bonne foi, affirmant respecter plus que tout les protections diplomatiques. Les États-Unis, méfiant, accusent toujours Cuba et s’emploient à quelques sanctions diplomatiques.

L’actualité dans tout ça? Le Canada vient de rapatrier plusieurs familles de diplomates après que dix cas se soient déclarés sur des nationaux du pays. Cuba continue de nier toute implication. Quoiqu’il en soit l’affaire redouble de bizarrerie. Pour aller plus loin, ProPublica a publié en février dernier une longue analyse de l’affaire. Du récapitulatif des faits jusqu’à une analyse assez poussée des technologies possibles et impossibles, l’article tente de mettre au clair ce qui a pu, ou n’a pas pu avoir lieu dans cette histoire. Il est intéressant de noter que la théorie de l’arme sonique reste très bancale puisque les propriétés physiques des ondes sonores permettent difficilement de cibler précisément une chambre d’habitation. Oubliez les films d’espionnage, c’est encore plus palpitant en vrai.

L’Équateur et les FARC
Trois journalistes ont été kidnappés, et probablement tués, par des rebelles colombiens, vraisemblablement membres ou ex-membres des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). Le président équatorien, Lenin Moreno, n’est vraiment pas très content. Une réaction somme toute assez normale, mais une affaire assez intéressante tout de même pour plusieurs raisons.

Premièrement, les FARC ont récemment déposé les armes. Après un long processus de négociations entre le gouvernement et le groupe armé, chapeauté par l’ONU, et suite à deux référendums, le groupe révolutionnaire communiste a accepté d’abandonner la lutte armée et d’entrer dans le jeu politique légal en fondant un parti politique. Le cas des journalistes kidnappés dans une base FARC pose alors la question des guérilleros refusant de quitter la lutte armée, et représentant encore une menace pour la sécurité dans le pays. 

Deuxièmement, l’affaire est intéressante quand on prend en compte les accusations colombiennes de relations assez proches entre l’Équateur et les FARC. Depuis 2006 le parti ‘PAIS’ est au pouvoir en Équateur, un parti marqué clairement à gauche. Le prédécesseur de Moreno, Rafael Correa, se montrait très proches d’autres États socialistes comme Cuba ou le Venezuela, ce qui poussait certains dignitaires colombiens, pays plus conservateur, à accuser Quito de soutenir des mouvements révolutionnaires en Amérique Latine, et notamment les FARC. En frappant du poing sur la table, et en remuant ciel et terre pour retrouver les kidnappeurs, Lenin Moreno montre sa volonté de couper court à ces soupçons, et de se démarquer de son prédécesseur dont il était le vice-président: considéré moins à gauche sur le spectre politique, il a déjà entamé des réformes libérales et son gouvernement a critiqué la récente politique chaotique du Venezuela. Plusieurs raisons donc pour lesquels cet enlèvement n’est pas un simple fait divers.

Anecdote concernant Lenin Moreno: il est actuellement le seul chef d’État en chaise roulante. Devenu paraplégique suite à une agression, il sera durant trois ans “envoyé spécial des Nations unies sur le handicap et l’accessibilité” avant de se présenter à l’élection présidentielle.
Autre anecdote: l’ancien ministre des affaires étrangères du pays est… français.

[VIDEO] Les frontières et les animaux
Donald Trump a pour ambitieux projet de dresser un immense mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Vox se pose une question originale, en vidéo: quelle seront les conséquences pour les espèces vivant dans cette zone. Le mur, qui risque de traverser certains espaces protégés, pourrait séparer certains animaux de leur lieu d’habitat naturel. Pire, le long du Rio Grande, le mur peut faire office de barrage, coinçant certains spécimens et les condamnant à la noyade en cas de crue. L’impossibilité pour certaines espèces en danger d’effectuer leur migration habituelle peut les condamner à un affaiblissement de la qualité génétique (ne rencontrant plus d’autres spécimens, ils commencent à faire des enfants entre cousins) ce qui les rapproche toujours plus de l’extinction. Malheureusement, il y a peu de chance que l’Administration Trump se montre très sensible vis-à-vis de cette problématique.

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