Les Américains hors de Syrie, les Israëliens dans les fouilles, l’Asie dans le monde

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Bienvenue dans un nouvel épisode de GéoPol, premier de l’année 2019. Aujourd’hui on ne parlera pas de l’accord trouvé en Suède entre les belligérents déchirant le Yémen. Sous l’égide de l’ONU, de premières discussions directes entre les parties en conflit au Yémen ont notamment abouti sur un cessez-le-feu dans la ville portuaire de Hodeïda, actuellement le seul point d’entrée pour les organisations distribuant des ressources humanitaires (de la nourriture pour éviter la pire famine du siècle, et du matériel médical pour lutter contre des épidémies ressuscitées par la guerre). Nous n’en parlerons pas car, bien que ce soit une très bonne nouvelle, elle ne détermine pas encore la suite des événements qui peuvent toujours s’envenimer. Notons tout de même que la tenue de négociations est une étape vers des solutions durables pacifiques. 

On ne va pas non plus parler du shutdown aux États-Unis, qui a commencé peu avant Noël. Le gouvernement Trump et le Congrès américains n’ont pas réussi à s’entendre sur le budget fédéral, provoquant cette crise qui bloque beaucoup d’institutions phares du pays en bloquant les salaires de nombreux fonctionnaires. Les shutdowns sont assez courants, du moins ils l’étaient sous l’ère Obama, à chaque fois pour une courte période. Cette nouvelle crise intervient car Donald Trump demande plus de fonds pour la construction de son mur-frontière séparant les États-Unis du Mexique (il réclame environ 6 milliards de dollars). Depuis le début de sa présidence, le Congrès essaie de ralentir cette dépense en ne donnant qu’une faible somme à chaque budget prévisionnel. Cette fois, le président tape du poing sur la table, ce qui fait craindre aux experts une crise de plus longue durée qu’à l’habitude. Une des conséquences est par exemple l’abandon de l’entretien des parcs nationaux. Géopolitiquement assez anecdotique pour l’instant, la crise pourrait avoir des conséquences économiques et politiques de plus grande ampleur si cela dure longtemps.

En revanche, aujourd’hui on va parler du départ des troupes américaines de Syrie, de la (géo)politique de l’archéologie à Jérusalem, et on finira avec une vidéo sur l’année 2019 en Asie, le continent en plein boum. Bonne lecture, et bonne année!

Trump, les soldats et la Syrie
Le 19 décembre 2018, Donald Trump a annoncé (par Twitter, quelle surprise) que les troupes américaines stationnées en Syrie seraient démobilisées rapidement, car l’État Islamique serait, d’après lui, vaincu. Une décision-revirement assez surprenante, qui a provoqué dans la foulée la démission du Général Mattis, Secrétaire d’État à la Défense, très mécontent de cette décision que beaucoup considèrent insensée. Un article de The Atlantic nous détaille un peu les potentielles graves conséquences de cette décision. 

La principale conséquence, la plus évidente, est la fin du soutien aux forces kurdes du nord du pays, qui jouissent d’une indépendance de fait depuis qu’ils ont repoussé les forces de Daesh de leur territoire. Or la décision arrive à peu près au même moment que la déclaration de Recep Erdogan, président turc, qui affirme qu’il va lancer une offensive contre les “criminels” kurdes. L’armée turque, aidée par ses alliés paramilitaires de l’Armée Syrienne Libre, ont déjà envahi une bonne partie du nord de la Syrie, à l’Ouest, dans le but de repousser les forces kurdes que le gouvernement turc considère comme une menace existentielle (dressant des liens entre les Kurdes de Syrie et les indépendantistes kurdes du PKK en Turquie). On note que la décision de Trump suit un appel à Erdogan lui-même

D’intenses combats pourraient donc avoir à nouveau lieu dans le nord du pays, entre Kurdes et Turcs, mais il est aussi envisageable que le gouvernement de Bachar Al-Assad. la Russie et l’Iran y aient leur mot à dire. Damas risque de ne pas être très fan de l’idée que la Turquie envahisse une nouvelle partie de son territoire (au mépris du droit international). Les forces kurdes pourraient elles-mêmes se tourner vers les autres puissances sur place pour requérir protection. Le départ américain laisse, de fait, la place aux puissances russe et iranienne sur le territoire syrien, reconnaît indirectement leur présence et leur légitimité. C’est une des raisons pour lesquelles le staff de la Maison Blanche et du Pentagone n’a que très peu apprécié la nouvelle du retrait des troupes. Aux dernières nouvelles, les autorités militaires kurdes ont cédé la protection de la ville de Manbij (ville importante ciblée par les Turcs) à l’armée syrienne. Une décision certainement nécessaire pour la survie du mouvement autonomiste kurde, et qui consacre une victoire de plus en plus décisive de Bachar Al-Assad.

Le retrait pose aussi la question de la crédibilité de l’armée américaine en tant que partenaire. Des troupes sont aussi présentes en Irak et en Afghanistan, principalement pour former les soldats et les policiers dans ces pays. Bagdad et Kaboul pourraient désormais se demander s’ils ne vont pas être également victimes d’un revirement soudain de situation déclaré sur Twitter. Un retrait de 7000 soldats stationnés en Afghanistan a déjà été annoncé le 20 décembre, un jour après la décision pour la Syrie. Les Talibans, toujours très actifs, ont célebré la nouvelle. Le moral des troupes afghanes risque de chuter violemment. Les risques d’une insurrection talibane réussie sont toujours une réalité (pour rappel, les Talibans ont occupé le pouvoir en Afghanistan entre 1996 et 2001, instaurant un régime islamiste extrêmement violent).

Important à noter aussi: non, l’État Islamique n’est pas mort. S’il n’a virtuellement plus de territoire, exceptés quelques villages proches de la frontière irakienne (où les Kurdes continuent les combats) le mouvement existe toujours sous forme de guérilla clandestine. Les attentats à l’explosif sont courants dans les villes du Kurdistan. Les forces kurdes alertent le monde qu’ils ne pourront pas contenir une offensive d’ampleur des djihadistes, si tel énénement venait à arriver

Carte des contrôles territoriaux en Syrie. Les forces américaines sont présentes dans la grande zone kurde (en jaune) à partir de Manbij et jusqu’à la frontière avec l’Irak, à l’est. À l’ouest, la Turquie a envahi une partie du Kurdistan (en cyan) et soutient les rebelles dans la région d’Idlib (en vert clair). La Turquie a annoncé vouloir mener une offensive sur les zones kurdes à l’est, que les États-Unis vont quitter.

Israël, Jérusalem et l’archéologie
Jérusalem est connue pour être un important centre historique, berceau des trois grands monothéismes qui ont fait et défait des civilisations entières. Le poids symbolique d’un tel passé est évidemment repris pour sa teneur politique, surtout depuis le dernier siècle. Areion revient sur les liens entre archéologie et politique dans la ville divisée.

L’article revient sur l’Histoire de la ville sous l’angle des travaux archéologiques : d’abord entamés principalement par les britanniques établis dans la région, les recherches vont ensuite être continuées à la fois par le nouvel État israélien à l’ouest et l’État jordanien à l’est suite à la guerre de 1948. Le contrôle territorial israélien va s’étendre après la guerre de 1967, et les fouilles archéologiques vont prendre une teneur idéologique : les autorités israéliennes vont axer les recherches sur la conclusion que la Palestine est le berceau du judaïsme, et historiquement juif, avec un certain mysticisme sous-jacent. Or “si l’archéologie est une science rigoureuse qui impose aux chercheurs de s’en tenir aux faits, ce type de raisonnement échappe à l’association qui perçoit dans le moindre segment de mur découvert une confirmation du récit biblique”. Fouilles archéologiques et politiques d’expansion et de colonisation (par l’expropriation de terrains privés) sont directment liés, et les résultats des fouilles viennent légitimer l’effacement de la présence des non-Juifs dans la ville sacrée. Les galeries souterraines creusées par les archéologues, parfois au mépris des normes internationales sur la conduite de fouilles, sont visitables et deviennent un outil de propagande, visant la population israélienne, notamment jeunes militaires et écoliers, mais aussi aux touristes. 

[VIDEO] L’Asie et 2019
On quitte une année mouvementée pour entrer dans une année incertaine. Pour autant on a déjà connaissance de beaucoup d’événements prévus en 2019. La chaîne Kento Bento se penche sur les événements qui seront prévus en Asie. Lancement d’une sonde indienne pour un pan inexploré de la Lune, le lancement d’un Google censuré (et censurable) en Chine, des élections dans un Afghanistan gangréné par l’islamisme, le creusement d’un canal en Turquie reliant mer Noire et mer Méditerranée, des robots russes dans l’espace, etc. Des prédictions pas toujours certaines, se basant parfois uniquement sur les tendances actuelles, mais la vidéo nous permet un bon tour d’horizon de ce que représente aujourd’hui l’Asie dans le monde, et à quel point son développement prend de l’ampleur, devenant un continent de plus en plus central dans la géopolitique globale.

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