L’accord nucléaire iranien, sa vie, sa fin?

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Cette newsletter est consacrée à l’actualité chaude du moment: l’annonce par Donald Trump de l’abandon de l’accord iranien sur le nucléaire par les États-Unis. Une décision avec des conséquences très lourdes, que l’on essaiera de détailler ici, pour les plus prévisibles du moins. On revient donc sur ce qu’est cet accord, sur les raisons avancées de l’abandon américain, sur les relations de Trump avec l’Europe ainsi que la crédibilité américaine, puis sur les récentes salves de missiles entre Iran et Israël, à mettre en lien avec les événements liés à l’accord iranien. On finira tout de même avec une vidéo, sur le territoire de Guam, une île appartenant aux États-Unis avec un statut très particulier. Bonne lecture!

L’Iran, le nucléaire et l’accord
Il convient d’abord de comprendre ce qu’est, ou était, l’accord sur le nucléaire iranien. L’Iran est considéré comme une menace sécuritaire pour les États-Unis depuis la révolution de 1979, accaparée par les mouvements islamistes chiites menés par l’ayatollah Khomeini. Toujours une République Islamique à la politique très agressive envers Israël (qu’il ne reconnaît pas), l’Iran est sur la liste des « États voyous » dressée par Washington, et est frappé par des sanctions économiques très sévères (entre autres, par une méthode très peu légale, les États-Unis ont interdit à toute entreprise étrangère de commercer avec le pays). L’Iran tente de développer l’arme nucléaire depuis des décennies, au grand dam d’Israël, grand ami des États-Unis. L’Administration Obama, dans une volonté d’apaisement et d’éloignement d’Israël, a accepté de négocier un accord afin de lever les sanctions en échange de la promesse d’un abandon du programme nucléaire militaire. Plus qu’une simple promesse, le traité envisage une surveillance accrue des installations militaires et scientifiques iraniennes par des experts internationaux. L’Iran accepte les conditions, ayant la volonté depuis de nombreuses années d’entrer dans le jeu du commerce international. L’accord est signé par l’Iran, l’Union Européenne, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Chine, la Russie et, bien sûr, les États-Unis. L’accord ayant été signé, les projets de business avec l’Iran ont déjà fleuri en Europe et aux États-Unis, et le prix du pétrole a chuté grâce à l’entrée sur le marché des barils iraniens. 

La décision de Trump d’abandonner l’accord fait des États-Unis le seul État signataire à ne pas suivre les termes de l’accord pour l’instant (les experts internationaux soulignant que l’Iran tient sa part du marché). Les pays européens ayant recommencé à commercer avec l’Iran se trouvent très inquiets du retour des sanctions, pouvant mettre à mal d’importants contrats. Ils craignent aussi pour les risques sécuritaires, l’Iran ayant, en toute logique promis de reprendre son programme d’enrichissement d’uranium au plus vite, et Israël annonçant être prêt à s’y opposer par la force. Vox explique en graphiques les conséquences de l’accord à ce jour, montrant une dénucléarisation déjà très avancée, mais peut-être vouée à l’échec désormais..

Trump et les raisons de la colère
Pourquoi Trump prend-il une telle décision alors que de grosses compagnies américaines vont perdre des contrats de plusieurs milliards, et que les risques de conflits augmentent considérablement avec cette décision? On peut imaginer plusieurs raisons. D’abord, son entourage, très cohérent avec sa politique étrangère très agressive. Son nouveau conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, est réputé pour être un hawk (faucon), un politicien préférant les solutions violentes voire guerrières, par opposition aux doves (colombes) préférant les alternatives pacifistes (comme par exemple lever les sanctions économiques pour éviter un armement nucléaire). La ligne officielle de l’Administration Trump est très portée sur la puissance militaire et les menaces d’agressions. La logique derrière l’abandon de l’accord est de dire qu’on ne doit pas proposer de compromis à l’Iran, mais le contraindre, par la force s’il le faut, à se plier aux exigences qu’on lui dicte. Trump, comme son homologue israélien Netanyahu auquel il prête une oreille attentive, pense que l’accord est trop laxiste vis-à-vis de l’Iran, puisqu’il n’interdit pas le développement et le tir de missiles longue portée, même si conventionnels (c’est-à-dire non-nucléaires). De même, l’accord n’interdit pas à l’Iran d’étendre son influence dans la région, comme il le fait largement sur le territoire syrien, menaçant directement Israël. 

Au-delà de toutes ces raisons, un autre allié des États-Unis se frotte les mains. L’Arabie Saoudite, adversaire chevronné de l’Iran au Moyen-Orient, va profiter de la hausse du prix du baril de pétrole qui aura lieu suite au retrait du pétrole iranien du marché mondial. Saoudiens et israéliens, qui ont manifestement une certaine influence sur Trump, sont peut-être les grands gagnants dans l’histoire. 

L’Europe, Trump et la crédibilité américaine
On en parlait dans la newsletter précédente, les puissances européennes ne sont pas enjouées par la perspective d’un abandon de l’accord, pour des raisons commerciales et sécuritaires. Les positions européennes semblent se durcir depuis l’annonce, Emmanuel Macron exprimant sa « grande préoccupation » et sa volonté de continuer de respecter l’accord avec l’Iran, tout comme les autres signataires. Ce projet semble difficile à tenir avec le retour de sanctions drastiques et la volonté iranienne de reprendre le programme nucléaire militaire. Quoiqu’il en soit, les tensions entre l’UE et les États-Unis pourraient s’accroître dans les mois à venir.

L’Administration Trump continue son isolement du reste de la communauté internationale. Après avoir annoncé abandonner le traité de Paris sur le climat (COP21), puis vouloir revenir sur sa part du budget de l’OTAN et de l’ONU, le retrait américain de l’accord iranien amenuise considérablement la crédibilité américaine: pourquoi signer un traité avec les États-Unis si le prochain gouvernement reviendra dessus? Pourquoi négocier avec Trump s’il cherche à se retirer des responsabilités internationales qui incombaient aux États-Unis? Des questions qui auront beaucoup de poids dans les rencontres à venir avec la Corée du Nord. Des questions qui peuvent également sévèrement entamer la puissance des États-Unis sur le long terme.

Israël, l’Iran et les salves de missiles
Le 9 mai dernier, les forces iraniennes ont tiré une vingtaine de missiles depuis le sud de la Syrie vers le plateau du Golan, territoire syrien annexé par Israël en 1981. Israël a répondu dans la même nuit en tirant 70 missiles sur des positions iraniennes en Syrie. La crise, intense, prend place seulement un jour après l’annonce du retrait américain de l’accord sur le nucléaire. C’est une attaque de grande ampleur, inégalée depuis les guerres précédentes dans la région, et le parallèle avec l’abandon de l’accord est inévitable. On peut s’attendre à une escalade prochaine des différents conflits dans la région.

[VIDEO] Guam et les États-Unis
Wendover Productions nous propose une vidéo expliquant ce qu’est le territoire de Guam, territoire officiellement américain situé à l’ouest de l’océan Pacifique. Si l’île appartient bien aux États-Unis, son système législatif lui est propre et les élus locaux peuvent rédiger leurs propres lois. Comme le reste des USA, ils sont soumis aux lois fédérales votées à Washington D.C., mais ils n’ont pas le pouvoir de vote sur ces lois comme les autres États fédérés. De même, ses habitants n’ont pas le pouvoir de voter pour le Président des États-Unis. Le mouvement pour que Guam gagne plus d’autonomie grossit sur l’île.

Puisque territoire des États-Unis, l’île jouit d’une économie bien plus prospère que les îles voisines, et peut compter sur un important tourisme asiatique. Mais l’envie de venir dépenser son argent à Guam a rapidement diminué depuis les menaces nord-coréennes de tirer ses missiles nucléaires sur le territoire, en réponse à la crise avec les États-Unis. Le territoire américain, que beaucoup d’américains ne connaissaient pas avant cette crise, souffre de plus en plus de son statut.

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