Trump, les soldats et la Syrie Le 19 décembre 2018, Donald Trump a annoncé (par Twitter, quelle surprise) que les troupes américaines stationnées en Syrie seraient démobilisées rapidement, car l’État Islamique serait, d’après lui, vaincu. Une décision-revirement assez surprenante, qui a provoqué dans la foulée la démission du Général Mattis, Secrétaire d’État à la Défense, très mécontent de cette décision que beaucoup considèrent insensée. Un article de The Atlantic nous détaille un peu les potentielles graves conséquences de cette décision.
La principale conséquence, la plus évidente, est la fin du soutien aux forces kurdes du nord du pays, qui jouissent d’une indépendance de fait depuis qu’ils ont repoussé les forces de Daesh de leur territoire. Or la décision arrive à peu près au même moment que la déclaration de Recep Erdogan, président turc, qui affirme qu’il va lancer une offensive contre les « criminels » kurdes. L’armée turque, aidée par ses alliés paramilitaires de l’Armée Syrienne Libre, ont déjà envahi une bonne partie du nord de la Syrie, à l’Ouest, dans le but de repousser les forces kurdes que le gouvernement turc considère comme une menace existentielle (dressant des liens entre les Kurdes de Syrie et les indépendantistes kurdes du PKK en Turquie). On note que la décision de Trump suit un appel à Erdogan lui-même…
D’intenses combats pourraient donc avoir à nouveau lieu dans le nord du pays, entre Kurdes et Turcs, mais il est aussi envisageable que le gouvernement de Bachar Al-Assad. la Russie et l’Iran y aient leur mot à dire. Damas risque de ne pas être très fan de l’idée que la Turquie envahisse une nouvelle partie de son territoire (au mépris du droit international). Les forces kurdes pourraient elles-mêmes se tourner vers les autres puissances sur place pour requérir protection. Le départ américain laisse, de fait, la place aux puissances russe et iranienne sur le territoire syrien, reconnaît indirectement leur présence et leur légitimité. C’est une des raisons pour lesquelles le staff de la Maison Blanche et du Pentagone n’a que très peu apprécié la nouvelle du retrait des troupes. Aux dernières nouvelles, les autorités militaires kurdes ont cédé la protection de la ville de Manbij (ville importante ciblée par les Turcs) à l’armée syrienne. Une décision certainement nécessaire pour la survie du mouvement autonomiste kurde, et qui consacre une victoire de plus en plus décisive de Bachar Al-Assad.
Le retrait pose aussi la question de la crédibilité de l’armée américaine en tant que partenaire. Des troupes sont aussi présentes en Irak et en Afghanistan, principalement pour former les soldats et les policiers dans ces pays. Bagdad et Kaboul pourraient désormais se demander s’ils ne vont pas être également victimes d’un revirement soudain de situation déclaré sur Twitter. Un retrait de 7000 soldats stationnés en Afghanistan a déjà été annoncé le 20 décembre, un jour après la décision pour la Syrie. Les Talibans, toujours très actifs, ont célebré la nouvelle. Le moral des troupes afghanes risque de chuter violemment. Les risques d’une insurrection talibane réussie sont toujours une réalité (pour rappel, les Talibans ont occupé le pouvoir en Afghanistan entre 1996 et 2001, instaurant un régime islamiste extrêmement violent).
Important à noter aussi: non, l’État Islamique n’est pas mort. S’il n’a virtuellement plus de territoire, exceptés quelques villages proches de la frontière irakienne (où les Kurdes continuent les combats) le mouvement existe toujours sous forme de guérilla clandestine. Les attentats à l’explosif sont courants dans les villes du Kurdistan. Les forces kurdes alertent le monde qu’ils ne pourront pas contenir une offensive d’ampleur des djihadistes, si tel énénement venait à arriver |