Les Américains et le reste du monde
Un récent rapport a fait beaucoup de bruit chez les commentateurs américains: la confiance internationale dans le leadership américain a baissé de 20% depuis l’élection de Trump. Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis sont considérés comme la puissance dominante incontestée, faisant d’eux un « hégémon » mondial (c’est-à-dire celui qui jouit d’une hégémonie). Beaucoup de penseurs américains étaient super contents: puisqu’ils ont gagné, le monde va donc se caler sur le modèle libéral américain et la paix démocratique va triompher (on citera uniquement le plus porteur, Francis Fukuyama, qui théorisait une « fin de l’Histoire » qui n’est jamais arrivé).
Donc, les Américains sont contents, mais quid du reste du monde? Une grande partie des États et des institutions internationales ont accepté la domination américaine sans trop broncher, acceptant de jouer le jeu du libéralisme et favorisant la coopération avec l’Occident (par volonté ou par instinct de survie, c’est toujours dur à dire). L’anti-américanisme subsistait évidemment, mais restait marginal.
Ce nouveau rapport, pas une grande surprise, reste un choc pour les politiques américains, surtout conservateurs, qui tiennent à rester le pays qui dirige le monde. Si les États-Unis sont le plus grand contributeur au budget de l’ONU, à l’aide internationale, et à diverses organisations internationales, ce n’est pas par charité, mais pour avoir un droit de regard dans les affaires du monde entier. Trump est en train de remettre tout ça en question, avec une politique radicalement isolationniste et une diplomatie bien loin de la coopération. Le journaliste Fred Kaplan revient sur ce lâcher prise du leadership américain par le gouvernement, et ce que ça implique pour le système international. D’un système bipolaire lors de la guerre froide l’on est passé à un système unipolaire sous hégémonie américaine. On est en droit de se demander si l’on se dirige, assez rapidement, vers un monde multipolaire où les puissances telles la Chine, la Russie, l’Europe et autres peuvent assez bien sortir leur épingle du jeu pour contre-balancer la puissance américaine, et changer la manière de coopérer (ou de s’affronter). Le passage à un monde multipolaire est le grand combat de la Russie depuis les années 2000, suivant le calcul simple que si les États-Unis ne sont plus le chef, la Russie gagne en puissance. Une perspective qui énerve certains dans le propre camp du Président américain (notamment le sénateur John McCain, mais citons aussi le très bon journaliste et auteur Fareed Zakaria) et qui fragilise donc son pouvoir aux États-Unis. Cette semaine a lieu la réunion annuelle du Forum Économique Mondial à Davos, qui pourrait être déterminante pour la suite des événements. |
|