Les tensions du Kosovo, la piraterie et les drones au Venezuela, l’espion badass en Irak, les frontières compliquées de Hong Kong

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Long time no see! Après moults péripéties au Kosovo, je reviens donner quelques nouvelles sur la guerre, les frontières, les attentats, les espions et toutes les autres joies internationales. 

Mais d’abord un petit mot du Kosovo, où l’actualité est assez tendue ces derniers temps: le Président du pays Hashim Thaçi et son homologue serbe Aleksandar Vučić seraient en négociations pour organiser un échange de territoires. L’idée, longtemps restée taboue, serait pour la Serbie de céder des territoires du Sud, peuplés d’Albanais, en échange d’une rétrocession de territoires peuplés de Serbes au Nord du Kosovo. Ce projet consacrerait un peu plus le principe d’États ethniques, transformant les lignes au gré des compositions démographiques plutôt que d’inclure les minorités présentes dans ces deux pays (il est à noter que de nombreux Serbes vivent encore dans l’Est et le Sud du Kosovo, et leur avenir serait très incertain en cas d’échanges de territoires, impliquant de potentiels exodes forcés). Si les soutiens du plan de modifications des frontières arguent que c’est la seule solution pour régulariser les relations entre Pristina et Belgrade, voire consacrer l’indépendance du Kosovo (toujours non-reconnue par la Serbie et son allié russe possédant le droit de véto à l’ONU), beaucoup d’experts avancent aussi le risque d’un ravivement des conflits au sein du pays, mais aussi à l’extérieur, ouvrant la porte à des revendications par les Serbes de Bosnie Herzégovine, ou par les Albanais de Macédoine par exemple. Un projet très risqué donc, critiqué par beaucoup de citoyens des deux pays, pour différentes raisons. La question se pose tout particulièrement dans la ville de Mitrovica, divisée en son sein entre les deux communautés, et ville où je viens de m’installer tout récemment. Plus à venir donc!

Aujourd’hui, on ne va pas parler du tumulte à la Maison Blanche, où Donald Trump doit affronter une très mauvaise presse qui vient de l’intérieur même de son staff. Le 5 septembre le new York Times a publié une tribune anonyme, mais déclarant venir d’un haut responsable à la Maison Blanche, dénonçant l’insanité et le comportement dangereux du Président, assurant qu’une « résistance » clandestine s’est organisée au sein de l’équipe présidentielle pour limiter les dégâts. La critique acerbe apparaît au lendemain de la sortie d’un livre très agressif de Bob Woodward, qui soulevait en substance les mêmes problèmes et dangers. Donald Trump évoque un « lâche » et parle de trahison à propos de la tribune. L’ambiance au gouvernement est assez chaotique, et c’est un petit pas de plus vers un potentiel impeachment. 
On ne parlera pas non plus de la côte de popularité d’Emmanuel Macron, à 23% d’opinion favorable, c’est-à-dire plus basse que celle de François Hollande à la même période. Une news qui peut paraître propre à notre politique intérieure, mais qui peut aussi avoir des répercussions sur la politique étrangère de la France en tant que puissance mondiale et européenne. À noter que la côte de Donald Trump est actuellement à 40% d’opinions favorables. 

On va en revanche parler du Venezuela, à deux reprises, d’abord en évoquant son grave problème de piraterie, et ensuite en évoquant la tentative d’attentat au drone sur le Président Maduro, et ses répercussions dans le pays mais aussi ailleurs. On s’intéressera à l’histoire d’un espion irakien infiltré au sein de l’État Islamique, et on finira avec une vidéo sur les frontières changeantes de la petite nation de Hong Kong. Bonne lecture!

Le Venezuela, la crise et les pirates
La crise politique et économique au Venezuela a des conséquences évidentes sur la vie quotidienne des habitants du pays, ainsi que des pays voisins. Mais un autre problème moins évident apparaît: un regain de la piraterie dans la région maritime au nord du pays. Entre l’île de Trinidad et Tobago et les côtes vénézuéliennes, les attaques de navires augmentent, exhibant parfois une violence spectaculaire. Cette hausse de la piraterie montre le désespoir des vénézuéliens, prêts aux pires ressorts pour affronter la misère. Mais c’est aussi la conséquence de l’effondrement des institutions publiques, notamment de sécurité et de maintien de l’ordre, qui n’ont plus les moyens financiers et humains de protéger les populations. Les crises économiques et politiques ont très souvent un impact sur de nombreux domaines de la vie en société, et notamment sur les questions de criminalité. La crise au Venezuela n’implique pas que des problèmes de misère économique, mais de développement des gangs, de migrations d’ampleur, de santé publique, etc. De nombreux problèmes qui dépassent les frontières et viennent toucher les pays voisins, dont la Colombie qui a élu un nouveau gouvernement très de droite, très anti-vénézuélien.

Maduro et le drone
On reste au Venezuela pour évoquer l’attaque du 4 août dernier contre le président Nicolas Maduro, visé pendant une cérémonie militaire par deux drones chargés d’explosifs. La véracité de l’attaque est mise en doute par les médias occidentaux sans réelle raison apparente, si ce n’est une défiance envers un gouvernement effectivement corrompu et qui cherche de bonnes raisons pour affermir son pouvoir. On notera ici que l’attaque reste bien probable, vu le nombre d’ennemis que le gouvernement se fait, à l’étranger comme à l’intérieur, et notamment au sein même de l’armée nationale.

Mais sans élaborer plus en profondeur sur l’authenticité de l’attaque, on va se pencher sur une réflexion soulevée par Wired: cette attaque de drone est certainement loin d’être la dernière, et pas seulement au Venezuela. Les drones présentent un avantage tactique énorme pour des combattants ayant des ressources moindres qu’une armée nationale (guérilleros ou terroristes par exemple), principalement de par leur coût et leur facilité d’utilisation. Tout le monde peut acheter un drone. Avec un artificier sous la main, il suffit d’y ajouter une légère charge explosive, comme du C4, et le drone devient une arme redoutable contre une personne, un groupe, un petit bâtiment, un dépôt de munition… ou un bâtiment sensible tel une centrale nucléaire (comme GreenPeace l’a prouvé, une telle manoeuvre est bien peu difficile à réaliser). L’État Islamique utilise déjà activement la technologie des drones dans ses principales zones d’opération (en Irak et en Syrie) pour attaquer facilement des positions et véhicules occidentaux. Outre le prix, l’avantage du drone est qu’il est difficile à repérer, ainsi qu’à abattre. Beaucoup de recherche est effectuée pour trouver des moyens de neutraliser les drones en plein vol: entraîner des rapaces (sans beaucoup de succès), utiliser des armes à feu, utiliser des ondes neutralisantes, etc… Pour l’instant, le problème reste entier, et le risque d’un attentat d’ampleur à l’aide de drones persiste.

L’EI et l’espion
Le 31 décembre 2016, une Kia blanche bourrée d’explosifs fonce dans l’Est de Bagdad. L’État islamique a planifié une attaque d’envergure. La voiture est interceptée par une unité d’élite de l’armée irakienne, les Faucons. Vingt-six sacs de C4 et autres explosifs sont désamorcés de l’énorme bombe artisanale. Les agents laissent repartir le chauffeur du véhicule. C’est lui qui les a alerté du convoi mortel. Il a, en tout, déjoué 30 attentats de la sorte. Capitaine Harith al-Sudani était un espion irakien infiltré au sein de Daech. Il a été exécuté quelques jours après cette dernière mission, quand le groupe terroriste a découvert sa vraie identité à coups de micros dissimulés dans le véhicule. Le New York Times revient sur le destin exceptionnel et courageux d’un irakien de modeste famille qui a sauvé des centaines de vies, au prix de la sienne. Sans oublier les problèmes qui traversent l’armée irakienne et ses forces spéciales, notamment les accusations d’exécutions extra-judiciaires et tortures en tous genres, il est important de se pencher sur les activités de ces agents de l’ombre, dédiés corps et âmes à la lutte contre certains groupes meurtriers, au destin coincé entre soupçons et complots que peu auraient les nerfs de supporter.

[VIDEO] Hong Kong, la frontière et la Chine
Vox nous propose un petit reportage sur les relations compliquées entre la Chine et Hong Kong, sa dépendance. Jouissant actuellement d’une autonomie poussée, dans le cadre de ce qu’on appelle le « un pays, deux systèmes », le statut spécial prendra fin en 2047, sans que l’on ait de précisions sur les suites pour le petit pays. Le reportage, centré sur la frontière séparant deux parties d’un même pays, montre comment le régime chinois tente d’intégrer au maximum Hong Kong dans son territoire souverain: construction d’un immense pont effaçant la frontière, imposition du mandarin dans les écoles (la population hongkongaise parle le cantonais), influences sur les élections locales, etc. La population, habituée à l’autonomie et à une société plus libérale, voit d’un très mauvais oeil l’empiètement chinois, comme l’avait démontré la « révolution des parapluies » en 2014.

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